A propos d’un certain climat de mauvaise ambiance qui se répand doucement sur le plateau, ce petit commentaire.
L’ASDEHC, Association de soutien au développement économique de
Haute-Corrèze, sollicite ces dernières semaines, les conseils municipaux
du Plateau pour adopter une motion inspirée de celle votée cet été par
la commune de Gentioux dans laquelle elle demande aux « services de
l’État » de soutenir les élus face aux « malveillances, incendies et
intimidations » qui empêcheraient selon elle aux agriculteurs,
entrepreneurs et associations de s’implanter et travailler sur le
Plateau de Millevaches. Il n’est pas inutile de replacer cette étrange
motion dans le contexte général d’une part des prochaines élections
municipales, d’autre part des véritables menaces qui pèsent sur le
territoire – et qui ne sont certainement pas les quelques évènements
auxquels se réfère la motion.
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Sur la Montagne Limousine comme ailleurs,
les élections municipales approchent à pas feutrés.
Mais on entend au loin comme le bruit de couteaux qu’on aiguise.
Qui parvient à regarder au-delà du Mont Bessou, ne peut que voir l’extraordinaire tumulte qui a saisi le monde entier. Les échos de soulèvements, d’une intensité inconnue depuis des décennies, d’un bout à l’autre de la planète, et jusqu’à la France elle même, parviennent par bribes jusqu’ici ne serait-ce que par la vertu de moyens de communication inconnus, ou presque, il y a encore vingt ans.
Tout se déroule devant nos yeux.
Le réchauffement toujours plus apocalyptique de l’atmosphère – dont
les effets réels sont devenus sensibles même aux plus incrédules – les
extinctions de masse, les guerres contre-insurrectionnelles, la crise
énergétique, le délitement des liens communautaires, les massacres, le
pillage des dernières ressources par ceux qui en ont encore les moyens,
les routes meurtrières de l’exil, la destruction méthodique des derniers
lambeaux de « l’État social ». Et face à cela des peuples qu’on croyait
endormis qui se dressent et font face, même aux balles. Plus personne
ne peut prétendre ne pas savoir.
Dans tous les palais du pouvoir
ont fait mine d’être concernés, on consulte, on met en œuvre des
politiques de « transition énergétique », on caresse les arguments que
hier encore on accueillait d’un rire gras. Le monde de l’entreprise, les
politiques se saisissent – « enfin » diront certains – de la brûlante
question de l’écologie. Cette soudaine prise de conscience n’arrive pas
seulement trop tard, elle cache à peine une tentative ultime de
prolonger, encore un peu, la gabegie qui nous a amené là, sous le masque
avenant de la « transition ».
« Intérêt Général » et « espèce invasive »
Les agriculteurs, les forestiers, les entrepreneurs ne sont dit-on que des victimes parmi les victimes, forcées depuis des décennies à l’endettement pour tenir dans la course à la rentabilité. Ici comme ailleurs, les élus locaux, tout à leur louable souci de l’ « intérêt général », font corps avec eux, face aux calomnies, face aux menaces, face au rejet dont une grandissante frange « radicalisée » de la population les accable. Chacun, chacune, joue sa partition, les uns suivent des formations de communicants pour vendre leur efforts et leurs « bonnes pratiques », les autres (les élus corréziens de l’Association de Soutien au Développement Économique de la Haute-Corrèze, entre autres) font voter des motions pour demander aux « Services de l’Etat » (joli euphémisme pour parler des forces de l’ordre) de protéger les premiers contre cette nouvelle espèce invasive que sont les « ultras », les « khmers verts », les « anti-tout », les « ultra-individualistes », les « totalitaires », les « violents », bref… les « anti-républicains ». Tout cela constituant une « mouvance » qui serait par avance coupable de tous les maux.
On s’émeut, dans une même phrase, d’incendies
qui restent inexpliqués (celui de Lubrizol?), des constructions
hors-norme, des subsides de la CAF à des espaces de vie sociale du
Plateau, des instituteurs-trices « prosélytes », et de quelques échanges
de paroles un peu véhéments lors de réunion publiques.
On
comprend bien, dans un tel climat de « terreur », où les agents
économiques du territoire en sont à raser les murs à cause de quelques «
chevreuils » impénitents, que cette campagne électorale pour les
municipales s’ouvre sur des airs grinçants. Ça n’aura d’ailleurs pas
échappé au staff de campagne corrézien du Rassemblement National tout
près à voler au secours des élus locaux assiégés en se proposant de
présenter des listes au cœur de la bête, comme à Tarnac par exemple. Ce
climat relativement soudain – si on excepte celle qui brillait déjà de
ses prophéties avant-gardistes sur le grand-remplacement local aux
dernières élections municipales, Dominique Simonneau, « maîtresse » de
Gentioux- ce climat, donc, ne tombe pas du ciel. Des incendies il y en a
eu avant, bien avant même et de toutes sortes, des mouvements pour
s’inquiéter de tel ou tel projet industriel nuisible aussi, des cabanes
et des yourtes… aussi.
Ce qui a changé ces derniers mois et
années, c’est que, d’un côté, ce qui passait pour des lubies de «
choubabs » (l’effondrement biologique) est passé, en catastrophe, au
statut de vérité télévisée, et que, de l’autre, quelques politiciens
locaux sans vergogne se sont mis en tête de capitaliser électoralement
sur le désarroi (bien compréhensible) de ce qu’il reste de classes
laborieuses rurales. Le magnifique sursaut populaire incarné par les
Gilets Jaunes, qui ne s’en laissent pas conter, aura un temps compromis
cette stratégie cynique, mais pour combien de temps ?
Vers un grand règlement de comptes?
Voilà plusieurs années que le coup se prépare, entre le Conseil
Départemental de la Corrèze, la rédaction de La Montagne, les
permanences de tel ou tel député ou sénateur, les couloirs de tel ou tel
Conseil Communautaire. A coup de publi-reportages qui ne disent par
leur nom, sur la filière-bois, sur la filière-viande, sur le mal-être
des agriculteurs, sur la menace d’ « ultra-gauche » ou « écolo-activiste
», à coup de petites phrases dispensées à l’envi sur l’antenne de
France Bleu, dans telle ou telle réunion ou inauguration, dans la
rubrique « indiscrétions » du journal La Montagne, dans un reportage de
complaisance du 19/20 de France 3 Limousin à Gentioux en plein mois
d’août. Rien d’étonnant dès lors que ce petit foyer de ressentiment
rural régulièrement attisé, notamment par Pascal Coste depuis son
arrivée au Conseil Départemental de la Corrèze, suscite aujourd’hui la
convoitise pèle-mêle de La République En Marche, en la personne du
député creusois Jean-Baptiste Moreau, ou du Rassemblement National qui
ont les uns et les autres besoin de se refaire dans le secteur.
Depuis des mois donc on prépare les cœurs et les esprits à un grand
règlement de compte, où l’on fera dans un grand brouhaha fleurant bon le
pogrom, passer les soit-disant « ultras » du plateau ou d’ailleurs et
tout ce qui s’en rapproche de près ou de loin, pour responsables du
malheur du bon peuple des campagnes. Oui ce sont eux et elles LE
problème, bien plus que le démantèlement des services publics, la
politique agricole, la fermeture des écoles, des postes, des Trésors
Publics, l’augmentation des prix des carburants, les déremboursements de
médicaments, les retards au versement des primes, la sécheresse, la
pénurie d’eau, les déserts médicaux, les trop petites retraites, le
traitement in-humain des anciens et de celles et ceux qu’on paye au
lance-pierre pour les gérer, la baisse des dotations municipales, la
prolifération des normes, la disparition des truites, du train et de
l’hôpital, celle de l’Echo, les coupes rases à perte de vue, l’érosion
partout visible, et bien sûr la fin de l’eau potable au robinet.
Finissez d’entrer dans la fin d’un monde.
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PS: on a franchement trop rigolé quand on a essayé de se figurer deux minutes que les déconvenues économiques du territoire de la Haute-Corrèze seraient en fait dues à quelques mouvements contestataires et quelques faits divers déconnectés étalés sur 10 ans dans un rayon de 100 kilomètres, fallait oser! Merci et bravo l’Asdehc, toujours plus haut, toujours plus fort!23