Baisse de motivation : que se passe-t-il exactement dans notre cerveau ?

Le Monde (site web)

sciences, mercredi 7 juin 2023 – 12:00 UTC +0200 685 mots

Sylvie Chokron Dans sa Carte blanche au « Monde », la chercheuse en psychologie Sylvie Chokron éclaire les causes de la baisse de motivation, liée à la fois à l’augmentation de la fatigue mentale et à la perte du désir d’aller chercher la récompense suite à l’effort.

Chaque jour, nous réalisons de nombreuses tâches qui nous coûtent. Nous acceptons volontiers de faire cet effort, car nous savons que nous serons récompensés en retour par un salaire, ou simplement par le plaisir d’avoir mené un projet à terme. Parfois, malheureusement, il devient difficile de se motiver ou de se concentrer. A ce stade, on parle de véritable « fatigue mentale ». Si celle-ci survient essentiellement lorsque nous avons épuisé toutes nos ressources intellectuelles, elle peut également être la conséquence d’une fatigue physique ou d’un manque de sommeil.

Exténués, nous voyons tout comme insurmontable et nous sentons bien incapables de mener à bien la moindre activité. Que se passetil à ce moment précis dans notre cerveau ? Est-ce l’effort requis qui nous semble impossible ou bien la récompense qui soudain ne nous semble plus aussi motivante ? Cette question est au centre de recherches récentes qui montrent que ces deux processus pourraient bien contribuer à notre démotivation.

En 2010, Julian Lim et ses collègues de l’université de Pennsylvanie ont installé des participants dans un scanner et leur ont demandé de réagir à une cible en pressant un bouton dès son apparition, et ce, avec une vigilance permanente, pendant vingt minutes. Au fil de l’expérience, ils ont relevé non seulement une augmentation progressive du temps mis à détecter la cible, mais également une sensation de fatigue mentale de plus en plus notable.

Leurs résultats retrouvent une signature cérébrale du coût attentionnel et cognitif dans le réseau pariéto-frontal de l’hémisphère droit. L’activité de ce réseau, très importante au début de la tâche, tend à diminuer à mesure que la sensation de fatigue mentale apparaît. De plus, l’activité cérébrale enregistrée au repos, avant la tâche, dans deux régions du cerveau, le thalamus et le gyrus frontal droit médian, prédit le déclin de la performance au cours de la tâche. Il y aurait donc aussi des marqueurs cérébraux de la fatigue mentale. Mais ce n’est pas tout : plus nous nous sentons fatigués, plus la récompense pourrait bien perdre de sa valeur au regard de l’effort à fournir.

L’effet limité des courtes pauses

Tanja Müller et ses collègues d’Oxford (Royaume-Uni) ont, eux aussi, en 2021, installé des participants dans un scanner, leur demandant de réaliser un effort de pression de la main pour obtenir une récompense. A chaque essai, le sujet pouvait choisir entre cinq secondes de repos (pas d’effort, mais une récompense négligeable) et cinq secondes de travail plus ou moins intense associé à une récompense variable. Les sujets pouvaient estimer la valeur subjective de la récompense et de la fatigue ressentie. Grâce à ce protocole, les auteurs ont pu décrire deux échelles temporelles distinctes sur lesquelles surviennent la fatigue et la dépréciation de la valeur de la récompense. Celles-ci peuvent s’observer à très court terme au cours d’une tâche – et, dans ce cas, une brève pause est bénéfique –, mais les auteurs trouvent aussi, à plus long terme, des altérations sur lesquelles une courte pause n’a aucun effet significatif.

Cela a été confirmé très récemment, en juin, par Marius Brazaitis et Andrius Satas, de l’université de Lituanie, qui ont montré que faire une pause de dix minutes toutes les cinquante minutes de travail, pendant sept heures ou plus, ne suffit pas à récupérer de la fatigue mentale. Comment faire, alors, pour se remotiver et récupérer d’un véritable épuisement ? Forts d’une méta-analyse portant sur vingt-deux études datant d’août 2022, Patricia Albulescu et ses collègues de l’université de Timisoara, en Roumanie, sont formels : les pauses courtes nous procurent du bien-être, mais les pauses longues boostent nos performances !

Voilà qui devrait nous permettre de nous motiver à préparer nos prochaines (grandes) vacances tout en rassurant nos supérieurs… Cet article est paru dans Le Monde (site web)


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